La civilisation celte

S.gif (1262 octets)i l'archéologie a permis de grands progrès quand à la connaissance des civilisations anciennes, on peut malgré tout constater que cette connaissance est bien faible lorsqu'on s'intéresse aux réelles racines de l'Europe, à savoir le peuple celte.

Cette méconnaissance de la civilisation celte est due en particulier au fait que toute sa tradition, toutes ses lois, et sa religion se transmettaient oralement. De plus, cette connaissance était préservée et transmise par la "caste" des savants, à savoir les druides et les bardes, caste qui survécu difficilement au grand jour à l'arrivée "écrasante" du christianisme en Europe. Les premiers écrits relatant l'existence de ce peuple proviennent d'autres civilisations, tels les grecs ou les romains, ayant eu des rapports avec celui-ci. La vision qui nous est transmise par ces écrits est donc nécessairement tronquée puisque extérieure, et souvent filtrée par un regard subjectif. Les écrits provenant des celtes eux-mêmes seront plus tardifs et seront issus d'anciens bardes ou druides convertis qui auront eux aussi quelque peu transformé leur récit afin d'être conforme à leur nouvelle église.

Malgré tout, certains chercheurs, partant de confrontations entre différents textes, ont tenté de brosser différents portraits de cette civilisation. Mis en rapport avec des découvertes archéologiques mieux étudiées aujourd'hui qu'hier (les moyens techniques ont bien évolué), ces portraits semblent tendre à ce jour vers ce que pouvait être réellement la civilisation celte.

Situation historique

Le peuple celte est apparu environ mille ans avant notre ère. La plus ancienne datation fiable concernant ce peuple remonte à l'an 800 avant Jésus Christ. Elle correspond à la découverte d'un site en Autriche, aux alentours de Hallstatt qui met en évidence le changement radical quand au comportement des hommes vis à vis de leurs morts, ainsi que l'usage subit du fer. L'apparition de la civilisation celte correspond d'ailleurs au début de ce qui sera nommé "l'age de fer".

Le développement de la civilisation celte se déroulera en deux phases.

La première correspond à une période allant environ de -800 à -450 et se nomme tout naturellement "période de Hallstatt". Elle correspond à l'établissement d'une culture commune aux peuples de l'actuelle Allemagne, de l'actuelle Belgique, et de la partie Nord-est de l'actuelle France.

Cette période se manifeste par des cultes funéraires plus élaborés, le remplacement de la crémation des morts par leur inhumation, et l'apparition de l'usage du fer.

Cette période permettra aux celtes d'acquérir une certaine prospérité qui expliquera ensuite leur développement culturel.

La seconde période, nommée "période de la Tène", correspond à l'extension géographique de la civilisation celte à une grande partie de l'Europe. On l'évalue en général allant de -450 à -50, époque durant laquelle l'influence celtique laissera place au fur et à mesure à l'hégémonie romaine, clôturée par la guerre des Gaules qui mit en présence le célèbre futur empereur romain Jules César et le non moins célèbre chef gaulois Vercingétorix.

Cette période sera une période d'extension culturelle. Le mot culturel prend toute sa valeur en regard des récentes analyses d'ADN qui démontrent que les peuples celtes n'avaient pas tous la même origine. Le lien de ces peuples était donc lié à leur langue, leur culture et leur tradition, mais en aucun cas le sang.

Ce fait a toute son importance aujourd'hui devant certaines tentatives de récupération nationalistes qui sont faites à l'encontre de la culture celtique. Ainsi, les celtes n'étaient pas "une race" conquérante mais plutôt une confédération de races qui se retrouvaient sous un même mode de vie, une même tradition.

Quoique politiquement détruite lors de l'invasion romaine, la civilisation celte subsistera malgré tout encore culturellement durant à peu près 500 ans par transmission orale, et surtout par la résistance acharnée des celtes d'Irlande qui ne seront convertis au christianisme qu'à cette époque. C'est d'ailleurs de cette fougueuse résistance qui laisse croire aujourd'hui que les celtes furent d'abord irlandais et "anglais" alors qu'en fait ce peuple prend ses racines dans le bassin indo-européen, et probablement plus précisément aux alentours du Caucase d'où les proto-celtes migrèrent vers nos contrées et s'y établirent.

Un peuple de cultivateurs

Premier aspect de peuple celte allant largement à l'encontre des stéréotypes, la civilisation celte était avant tout agricole, et donc sédentaire.

Des études sérieuses basées sur les pollens ainsi que sur les strates du terrain ont en effet démontré que les celtes furent à l'origine du développement agraire du bassin européen. Les celtes furent les premiers à abattre massivement leurs forêts afin de les remplacer par de grands pâturages, et par des cultures de céréales. En cela, la découverte du fer fut précieuse car elle permit de développer des outils plus efficaces pour la culture de la terre.

Le système d'habitat et de mode de vie qui s'instaura alors fut une réelle évolution pour ces peuples. On pense même que cette étape fut décisive dans l'évolution de cette partie du monde. On l'étudie encore aujourd'hui avec attention. On effectue encore aujourd'hui des "tests" grandeur nature tant en France à l'archéodrome de Bourgogne (Beaune), qu'en Grande Bretagne, au "Ancient Farm Research Center" de la ville de Butser.

En parallèle de ce développement purement agraire, les celtes surent exploiter leur sol avec intelligence et entamèrent aussi l'extraction de certains minerais ainsi que du sel, denrée très recherchée à l'époque. La prospérité du site de Hallstatt fut d'ailleurs plus particulièrement liée à ses mines de sel qui permirent un fort développement commercial de cette cité.

Du fait de ce développement sédentaire, les peuples celtes commencèrent à établir des points de concentration humaines qui formèrent les premières villes d'Europe. Mais ces villes tinrent leur développement, et surtout leur prospérité, non pas à cette sédentarisation agricole, mais bien à une autre particularité du peuple celte : le commerce.

Un peuple de commerçants

Comment ces hommes au départ bien peu différents de leurs cousins les germains, par exemple, connurent-ils un tel essor ?

La véritable clé de cette question se trouve dans leur situation géographique. En effet, placés directement sur le chemin reliant le bassin méditerranéen aux peuples du Nord, c'est tout naturellement que les celtes prirent la place d'intermédiaires commerciaux entre le monde grec d'une part et nordique d'autre part. Lorsque les grecs fondèrent leur comptoir de "Massilia" (Marseille), c'est toute la vallée du Rhône qui connut un essor phénoménal.

De ce rôle, les celtes tirèrent bien entendu une grande prospérité comme en témoignent les tombes de grands seigneurs remplies d'objets en or finement ciselé.

Mais l'intérêt majeur d'une telle position fut surtout culturel. En effet, de part leur place prépondérante dans tous ces échanges, les celtes purent tirer profit de tous les usages que leurs interlocuteurs possédaient. Ainsi remplacèrent-ils leur système de troc pourtant fortement ancré par la frappe d'une monnaie qui leur fut propre. Ils développèrent aussi différents moyens techniques tant au service du labeur que de l'art.

Là aussi, on notera au passage que la richesse de ce peuple aura été liée non pas à son propre développement, mais à sa capacité à intégrer les cultures qu'il découvrait. Autre pavé dans la mare envers ceux qui crient à l'intégrité culturelle…

Ce développement fut possible de toute évidence parce que les celtes eurent une personnalité suffisamment convaincante pour ne pas être débordé ni par les peuples du Nord, ni par ceux du Sud. En cela, leur qualité guerrière fut évidemment un énorme atout, qui fut lui aussi convenablement cultivé par l'apport de nouvelles connaissances extérieures.

Des guerriers redoutables

Comme le reconnaissent nombre de textes grecs ou romains, dont en particulier le célèbre récit de la "guerre des Gaules" de Jules César, les celtes étaient un peuple courageux à la bataille. Il est d'ailleurs bien connu qu'ils n'avaient peur que d'une chose : que le ciel leur tombe sur la tête !

On tend à leur prêter un certain barbarisme dans certains textes, les décrivant comme des hordes sanguinaires pillant et détruisant tout sans raison particulière. Quoiqu'on imagine mal ces peuples plus doux que leurs voisins, les études actuelles tendent à limiter cette vision outrancière de leur attitude. Ainsi, loin de l'image des massacreurs que décrivent les textes romains, on remarquera par exemple que les celtes s'établirent et s'intégrèrent sans grande pression lors de leur invasion du Nord de l'Italie, créant ainsi ce que César nommera la "Gaule cisalpine". De même, les traces qu'on put obtenir de leurs lois étaient assez avancées quand à leur considération des femmes et des enfants, démontrant là aussi une certaine incohérence avec les descriptions catégoriques que l'on aura pu relever dans ces même textes.

Hors donc de cette extrême, il est manifeste que le peuple celte fut aussi un peuple guerrier. Ayant su tirer profit de ses contacts avec les grecs, les celtes s'avéraient des conducteurs de char redoutables, capables de lancer leurs chevaux dans une pente et de les contraindre à effectuer un demi tour en un instant.

Grâce à leur maîtrise du fer, leurs armes étaient solides et bien conçues. Leur qualité de leur forge était connue et les celtes en firent même commerce. Cette maîtrise leur permit de développer des armes plus originales parmi lesquelles on relèvera par exemple, pour la première fois, des traces de "crans" sur les lames, rendant les blessures infligées à l'ennemi plus importantes, et souvent mortelles. Les armes étaient souvent décorées de manière intelligente, c'est à dire qu'en plus de leur aspect décoratif, les reliefs avaient souvent une fonction de protection supplémentaire de part la manière dont ils étaient placés.

Selon Dumézil, la classe dirigeante fut certainement celle des guerriers. L'évolution des peuples européen tend à le confirmer puisque le moyen age ne fut que la suite logique de ce que les celtes avaient mis en place.

L'organisation politique des celtes fut d'ailleurs originale. Pendant que le moyen orient s'orientait vers un système de royauté, que la Grèce expérimentait les prémices de la République, et que Rome se préparait à mettre en place un Empire, les celtes, eux, s'orientèrent vers un système de confédération plus ou moins unies.

Fort de leurs individualités, les tribus celtes avaient en effet du mal à se reconnaître un réel chef commun. Celtilius, le père de Vercingétorix eut un règne pour le moins contesté. Vercingétorix lui-même ne réussit à unir que quelques tribus, ce qui lui valut d'ailleurs sa défaite à Alésia. La fonction de "roi" chez les celtes était plus celle d'un chef de tribu ayant réussi à représenter, et donc à convaincre, le plus de chefs d'autres tribus. Dans ce système, la force restait encore un moyen efficace d'obtenir le pouvoir. Mais avec le temps et le phénomène de sédentarisation, ce système devint plus stable et donna naissance aux premières formes du système féodal qui allait permettre l'évolution de l'Europe durant tout le moyen age.

Cette individualité dans le combat fut certainement une des clés à la fois du grand courage des celtes sur le champ de bataille, et de leur chute devant un système plus organisé, plus discipliné que les romains avaient su développer, contraints justement par les nombreuses incursions de ces même celtes sur leurs terres. Ainsi, il était de coutume en début de bataille que les plus valeureux guerriers celtes sortent des rangs pour aller défier l'ennemi en clamant tous les hauts faits de leurs ancêtres, leurs propres exploits et en insultant l'ennemi de la pire façon. Cette démarche avait pour but d'intimider l'ennemi, de le minimiser afin de faciliter le combat. Elle se trouvait encore renforcée lors des assauts par les cris et les nombreuses peintures que portaient les celtes.

C'est certainement cet aspect qui reste le plus connu du peuple celte parce que le plus relaté par des témoins extérieurs. Pourtant, comme l'ont déjà montré les précédents chapitres, cet aspect n'était probablement que la partie émergée de l'iceberg celte. Car forts de leur résistance au combat et riches de leurs compétences agraires et commerciales, les celtes surent développer une culture, certes beaucoup plus proche de la nature, mais largement équivalente à celle de leurs contemporains romains et grecs.

Une culture avancée

L'aspect le plus évident de la culture celte réside dans leurs œuvres artistiques. Loin des œuvres grecques ou romaines qui sont pourtant voisines, les sculptures celtes sont beaucoup moins figuratives. Certains y voient même certes avec un certain humour le début du cubisme!

Sans aller aussi loin, on relève malgré tout que l'art celte est profondément symbolique. Les formes y sont très abstraites, souvent mêlées entre elles. Les célèbres entrelacs en sont d'ailleurs une manifestation assez connue.

Cette démarche artistique, originale pour l'époque, tend à nous indiquer combien le celte était loin de la brute épaisse que César ou Tite-Live nous décrivent. Il s'agit manifestement de gens sachant regarder au delà des formes et cherchant à manifester par leur art une autre vérité que celle du monde visible.

Une autre manifestation de leur culture bien particulière est l'existence de tout ce fond de légendes et d'histoires plus ou moins magiques, certainement initiatiques, que véhiculèrent encore durant tout le moyen age les ménestrels, descendants directs de leurs aînés, les bardes. Le barde avait un rôle très important dans la société celte. Avec le druide il était l'élément de mémoire du peuple. C'est d'ailleurs lui qui enseignait aux enfants.

Aujourd'hui, malheureusement, nous ne pouvons en avoir que quelques traces. En effet, la civilisation celte était une civilisation orale. L'écrit n'existait pas en soi. Les premières formes d'écritures utilisées par les celtes apparurent en Irlande assez tard par rapport à leur évolution. Les textes qui nous sont arrivés sont donc soit teintés de christianisme, comme la fresque des chevaliers de la table ronde retranscrite bien plus tard avec quelques adaptations par Chrétien de Troyes, ou largement orientés vers l'outre manche tels les quatre récits du Mabinogi. C'est dans ce dernier livre par exemple qu'on trouve l'histoire du héros Cucchulain.

Ainsi, loin d'être un simple paysan ayant réussi dans les affaires, le celte est aussi un être cultivé. Et sa culture possède une teinte bien particulière, plus spirituelle peut-être, en tout cas orientée vers une connaissance supérieure. On comprend alors qu'un tel contexte ait pu permettre l'émergence d'une caste spirituelle qui restera vivace de nombreux siècles après la disparition de la civilisation qui l'avait enfantée, les druides.

Un ordre spirituel : les druides

Ordre initiatique par excellence, le druidisme laisse beaucoup de place aux supposition, affabulations et autres fantasmes devant une absence quasi totale d'informations.

Cela permet d'ailleurs aujourd'hui, dans le contexte de besoin spiritualiste que nous connaissons, à de nombreux mouvements de se créer et de se réclamer de la grande tradition druidique.

Mais, concrètement, qu'étaient les druides ?

Représentant l'aspect spirituel, les druides marquaient la continuité et la sagesse en regard de la vivacité de la caste militaire faite d'individualités souvent peu contenues.

Ils possédaient une connaissance pointue de la nature qui les entourait. Cela leur permettait d'assurer les soins de leur tribu. Malgré tout, il faut nécessairement marquer la différence d'avec les chamans et les sorciers qui assuraient la même fonction dans d'autres civilisations. En effet, les druides possédaient une hiérarchie et un système d'information assez bien développé. La célèbre réunion de la forêt des Carnutes en était d'ailleurs une manifestation.

Cet ordre possédait ses règles et son enseignement initiatique. On n'en connaît pas le contenu mais on sait qu'il fallait une vingtaine d'années au disciple pour devenir druide…

Cette connaissance semblait ne pas s'arrêter simplement à la maîtrise des simples, qui d'ailleurs n'aurait pas pu exiger 20 ans d'études. Le druide assurait aussi différents rites de nature plus magique aux moments forts du cycle annuel. Pour exemple, ce sont les druides qui présidaient à l'oracle.

Comme chez les vikings, Les druides assuraient le pouvoir législatif. La loi, dans de nombreuses civilisations était associée à la tradition. Ceci explique cela.

Plus qu'à travers les pseudo ordres druidiques qui foisonnent aujourd'hui, il est fort probable que le druidisme se prolongeât dans l'un ou l'autre ordre monastique chrétien. Certains de ces ordres resteront en effet très en retrait des "mouvements politiques" que suivit l'église chrétienne d'alors pour prolonger son étude plus proche de la nature et des hommes. L'ordre de saint Bernard par exemple, c'est à dire de Bernard de Clairvaux, pourrait être un héritier logique des connaissances druidiques. C'est d'ailleurs cet ordre qui sera à l'origine de la création de l'ordre des chevaliers du Temple quelques siècles plus tard. Mais ceci est une autre histoire, bien éloignée de cet aperçu de la civilisation celte.

Les druides étaient aussi responsables des rapports du peuple avec les dieux. La manière dont ce contact était établi reste assez flou à ce jour. Certains récits vont jusqu'à parler de sacrifices humains mais les parti pris de ces même textes sur d'autres thèmes les rendent aussi crédibles que leurs contraires.

Le rapport avec les dieux, dans tous les cas, semble moins lié à l'offrande que les civilisations romaines ou grecques. Il existe d'ailleurs peu de représentations sous forme d'idoles de leur divinités. Ici, le dieu semble plus rattaché à une fonction de la nature et semble être interpellé dans ce sens. Ainsi, par exemple, fait-on appel à Cernunnos dans des rites de fertilisation de champs. Mais tous ces dieux aux fonctions plus ou moins définies restent largement en deçà de la grande déesse, mère de tous, qui demeure la première des divinités celtes. Les formes qui lui seront prêtées sont assez variables et dans tous les cas assez récentes. A l'origine celle-ci est considérée comme omniprésente et sans forme particulière. On aura d'ailleurs tendance à l'assimiler à Isis par la suite.

 

Ainsi peut-on relever que la civilisation celte, peu connue faute de connaissances écrites, fut certainement une grande civilisation. Elle aura su développer l'agriculture et le commerce dans un contexte militaire fort, et certainement nécessaire de par l'époque, pour s'élever vers un art sacré et une spiritualité qui seront certainement les véritables clés de la tradition occidentale.

Son malheur aura été liée à la fois à la pression qu'elle fit subir à sa voisine romaine sans réellement la détruire, préparant ainsi celle qui provoquera sa chute; mais aussi à la vanité typiquement masculine de ses guerriers habitués à marquer leur bravoure individuellement, et donc peu enclins à se rallier réellement devant la discipline implacable des légions romaines.

Mais toute civilisation née un jour doit aussi mourir un jour. C'était dans l'ordre des choses. Ce qui compte c'est ce qui en reste. Et, malgré les transformations du temps, il est manifeste que cette civilisation marqua plus en profondeur l'esprit occidental pendant que la "pax romana" et le christianisme s'imposaient en surface…

Bibliographie

Encyclopédie Universalis

La religion des Celtes - Jan Devries

Traité d'histoire des religions - Mircea Eliade

Mythes et dieux indo-européens - Georges Dumézil

"Les Celtes dans les Balkans" - Article de la revue "La Recherche" n° 241 - Mars 1992