Samain

"Bonne fête des morts, mes soeurs!.."

 

 

O.gif (1263 octets)n assiste ces dernières années à l'apparition de la fête d'Halloween en Europe. Cette fête, directement importée des Etats-Unis et mise en avant à grand renfort de publicité pour des raisons principalement commerciales, prend pourtant sa source au plus profond de notre culture celtique.

Certes, la manière dont elle est pratiquée aujourd'hui ressemble fort peu à ce qu'elle, ou plutôt ce qu'elles étaient à l'origine. Mais pire que la forme, il semble que le fond n'ait point survécu à cet "aller-retour" transatlantique.

A travers ce petit article, je me propose d'aborder quelques aspects fondamentaux de la fête de Samain, fête celte qui avait lieu à l'équivalent calendaire de la veille de notre Toussaint chrétienne, c'est à dire la nuit du 31 octobre.

La nouvelle année

Le calendrier celte n'avait pas les mêmes échéances que le notre. En particulier, l'année commençait pour les celtes à la fin de l'été, et plus précisément à l'équivalent de notre premier novembre.

La fête de Samain avait donc pour premier rôle de clore l'année passée et de démarrer la nouvelle année. Quoique décalée par rapport à notre calendrier, quelques coutumes ont su perdurer par delà les ages. Ainsi, la plante dédiée à cette "nuit de l'année" était non pas la citrouille mais bien le gui, plante des celtes si l'en est une, plante des druides aussi. Or, parmi les coutumes de nouvel an encore pratiquées, on peut trouver aujourd'hui celle de la branche de gui sous laquelle on vient s'embrasser cette nuit-là.

Lors de cette fête, les celtes avaient souvent tendance à allumer un feu. Ces feux, pour leur aspect fonctionnel, servaient probablement de balise. En effet, l'étymologie de Samain ("Samuhin") signifie "rassemblement, réunion". Or, cette date servait avant tout de repère pour les bergers : à cette date, on devait rentrer les bêtes pour les protéger du froid. Le "rassemblement" que manifestait Samain était donc sur un plan matériel celui des bêtes et de leurs pasteurs. Et les grands feux servaient de guide à ce "rassemblement".

Le feu avait bien entendu aussi un aspect symbolique. En Irlande en particulier, une coutume persista suffisamment pour qu'on sache que, cette nuit-là, un grand feu sacré était établit au "centre", duquel ensuite on allait allumer tous les autres feux du pays. La symbolique du feu apparaît alors clairement. Au moment du nouvel an, le "redémarrage" du pays prenait sa source en son centre… Une manière de marquer le rythme en provoquant ce jour-là un "inspire" (le rassemblement) suivi d'un "expire" (diffusion de la lumière).

La fête des morts

Mais alors que l'on se rassemblait ainsi, et que l'on se souciait de sa principale subsistance, à savoir les troupeaux, un autre événement se préparait et demandait qu'on y porte attention.

En effet, au delà de l'aspect purement matériel de cette fête, la fin de l'ancienne année et le début de la nouvelle laissait durant cette nuit-là la possibilité aux morts et aux "esprits" de toute sorte de surgir de leur monde pour pénétrer dans le notre. La nuit de Samain était en quelque sorte hors du temps, à la frontière entre l'année précédente et l'année nouvelle. Situation pour le moins ambiguë qui laissait ouvertes les portes de Sid, le monde des morts.

Astrologiquement, Samain était d'ailleurs associée par les celtes à la lune noire, autre symbole lié souvent à la mort.

Ce contact avec les morts provoqua nombre de coutumes au sens au moins symbolique.

D'abord, c'était le moment de se souvenir de ses ancêtres. Le soir où justement on ramenait au foyer tous ses biens devait être le soir du souvenir; car si l'on possédait tous ces biens, c'était aussi grâce aux morts de sa famille dont on avait hérité les possessions et le savoir-faire. Il était donc de tradition ce soir-là d'accueillir ses morts à la table afin de leur donner à eux aussi le fruit du travail de l'année. Avoir la possibilité de rencontrer les morts avait d'ailleurs un intérêt plus magique dont nous reparlerons.

C'est probablement cet aspect de la tradition celte qui donna prétexte au christianisme pour célébrer les morts à cette date (et non le jour même de la Toussaint, ce que tout un chacun pratique pourtant par commodité, et aussi souvent par "oubli" des fondements de la tradition chrétienne).

Mais cette nuit-là portait aussi avec elle la possibilité de voir surgir les hordes chaotiques de l'autre monde. Ainsi étaient susceptibles de survenir gnomes, esprits, ou autres Korrigans. Pour éviter le déferlement chaotique de ces petits démons dans les foyers où il fallait préserver ses provisions pour l'hiver, les celtes veillaient à "occuper" ces personnages en leur organisant des fêtes.

Ces fêtes avaient naturellement lieu aux points de jonction des deux mondes, souvent symbolisés par des tertres, manière de matérialiser les points de convergences de différents canaux d'énergie.

Les rites divinatoires

Dans cette ambiance particulière, de nombreuses pratiques mystiques pouvaient être réalisées.

Ainsi, il était coutumier que cette nuit-là soit sujette à la pratique d'arts divinatoires. En cela, différentes pratiques tendent les unes et les autres à montrer que le contact avec l'autre monde était une chance inespérée pour les celtes d'obtenir des informations sur l'avenir, et plus particulièrement sur les possibilités de décès pour l'année à venir.

L'art divinatoire était aussi pratiqué à cette occasion de manière plus solennelle par les druides qui transmettaient et interprétaient alors la parole de la déesse, afin de tracer les grandes lignes des événements de l'année à venir.

Ce genre de pratique fait souvent sourire aujourd'hui. Pourtant nombre de peuples pratiquèrent la divination ainsi et surent prévoir de nombreux événements importants. Qui n'a jamais entendu parler des fameux exemples des indiens Incas qui connaissaient la nature de leur chute avant même les premiers débarquements conquistadores, ou des tibétains qui avaient prédit l'invasion et la domination destructrice de leur pays par le "démon rouge" chinois…

Les représentations quelquefois douteuses des sorcières pratiquant le sabbat peuvent ainsi s'illustrer et prendre un autre sens. En effet, qui furent les sorciers et les sorcières sinon les derniers tenants de la tradition païenne occidentale ? N'était-il pas normal alors de les trouver alors cette nuit-là autour d'un feu allumé non loin d'un tertre en train d'effectuer quelque pratique rituelle ?

Quelques rapprochements

Peut-on se tenter à quelques analogies avec d'autres traditions ?

Le "cas celte" est relativement délicat à traiter sur ce point. En effet, les celtes, peuple proche de la terre, mirent en place leur calendrier non pas en fonction des équinoxes et des solstices comme la plupart des peuples de l'époque, mais en fonction des dates qui marquaient réellement les changements de condition de vie.

Ainsi, c'est effectivement au moment du 1er Novembre que l'hiver se manifeste plus concrètement et non pas à l'équinoxe d'Automne, qui laisse encore quelques beaux jours à venir, ni lors du Solstice d'Hiver qui, lui, marque le point culminant de cette saison. Et il en sera de même 6 mois plus tard lors de l'arrivée "effective" des beaux jours de l'été le 1er Mai.

Les fêtes d'équinoxe et de solstice étaient pourtant bien présentes chez les celtes. Leur croix, sorte de calendrier omniprésent, ne les oubliait pas non plus, d'ailleurs. Elles étaient simplement représentées un peu plus en retrait, par la présence des quatre "creux" situés sur les diagonales. Ces fêtes astrologiques avaient une nature plus sacrée et étaient plutôt l'apanage des druides que du peuple. On en connaît d'ailleurs peu le contenu, la tradition druidique étant restée de tout temps principalement orale…

Bien entendu, on peu facilement trouver quelques analogies à Samain, ainsi que René Guénon le propose, avec d'autres fêtes d'autres civilisations. Rien de plus naturel : les fonctions traditionnelles se retrouvent toujours même si elles ne sont pas manifestées au même moment du cycle.

En cela, les saturnales étrusques ou certaines fêtes babyloniennes méritent un certain intérêt, en particulier sur l'aspect de "temps hors du temps", de chaos à franchir. Malgré tout, la confusion peut facilement se faire avec d'autres fonctions plus proches de celles du Solstice d'Hiver comme par exemple celle de la fécondité, ou de la lutte de la lumière contre la nuit.

Mais dans tous les cas, on remarquera volontiers la distance qui sépare les fonctions d'origine de la fête de Samain, de l'actuelle Halloween ("hallowen") dont la signification étymologique nous est plus familière : "Veille de tous les saints", c'est à dire Veille de la Toussaint…

Bibliographie :